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Afrique : Ratifier l’accord créant la Zone de Libre Echange Continentale Africaine, est suicidaire pour la RDC (Tribune du prof Cifende)

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La République Démocratique du Congo est sur le chemin de ratification de l’accord créant la Zone de Libre-échange Continentale Africaine, ZLECAF. Plusieurs personnalités et scientifiques congolais, rejettent cette idée car la RDC risque d’être un déversoir des produits extérieurs. Pour le professeur Moise Cifende, la RDC devrait bien se préparer avant d’intégrer cette zone. Votre média vous présente en intégralité la réflexion du professeur Moise Cifende.

RDC c’est plus de 100 millions de consommateurs

Photo à la frontière entre la RDC et le Rwanda Photo crédit, Radio Okapi
Photo à la frontière entre la RDC et le Rwanda Photo crédit, Radio Okapi

Les députés sont appelés ce jour à prendre part à la séance plénière où ils devront, notamment, examiner et adopter le projet de loi autorisant la ratification de l’accord créant la ZLECAF. 

Rappelons que ce traité rentre dans le bloc constitutionnel des traités dont la ratification par le Chef de l’État requiert l’habilitation parlementaire. C’est en effet un traité relatif aux organisations internationales, un traité de commerce voire un traité ayant des incidences sur les finances publiques. La RDC a signé ce traité mais ne l’a pas encore ratifié donc il n’est pas encore lié par celui-ci.

Certes le processus d’intégration africaine est irréversible et la RDC doit y prendre part et jouer un rôle de leader qui, potentiellement, est le sien. Avec son marché très vaste (près de 100 millions de consommateurs) et ses fabuleuses ressources naturelles, la RDC devrait être la cheville ouvrière de l’intégration africaine. 

L’intégration, un rendez-vous du donner et du recevoir !

L’intégration régionale est un rendez-vous du donner et du recevoir. Pour en tirer pleinement partie, il faut se préparer. Sinon on s’y engouffre et on devient victime d’un système économique mondialisé téléguidé de l’extérieur. 

La RDC est un pays à économie douanière. Les pertes sur le plan douanier seront énormes et les difficultés de boucler le budget national vont s’aggraver. On sera là à mendier de l’aide au lieu de mobiliser nos propres richesses nationales à travers l’impôt et les droits de douane et accises. C’est plus digne…

Une industrie quasi inexistante

En second lieu, notre industrie est par terre, depuis la zaïrianisation et les régimes de prédation, de pillage et de corruption à grande échelle qui se sont succédé n’ont pas fait de la relance industrielle une priorité. On importe presque tout, et le reste… Les industries congolaises ou ce qui en reste ne sauront pas faire concurrence aux industries des grandes économies africaines notamment l’Afrique du Sud, l’Égypte, la Tunisie, la Tanzanie, le Kenya… 

Si on ratifie la ZLECAF l’espoir de relèvement des industries congolaises va s’éloigner. La RDC sera un exutoire des produits venant d’ailleurs, le chômage des jeunes va s’aggraver et la misère du peuple…

Intégration oui, mais il y a des préalables

Que faut-il faire ? Nous ne sommes pas contre l’intégration africaine, bien au contraire. Mais contre une certaine intégration africaine axée uniquement sur le marché et oubliant la production collective et la solidarité entre États Africains laquelle est le gage de tout projet intégrateur viable.

On n’entre pas dans le système d’intégration sans s’y préparer préalablement. La RDC devrait donc geler la ratification et mieux se préparer à intégrer la ZLECAF. Comment s’y préparer ? Quelques pistes :

  1. Faire une étude participative sur l’impact de l’adhésion de la RDC à la ZLECAF sur les plans économique, environnemental et social.
  2. Travailler préalablement à l’intégration nationale pour faire de la RDC une économie nationale viable et intégrée. Ainsi, travailler à la réunification des provinces et favoriser les échanges commerciaux   interprovinciaux. Dans ce cas il faut macadamiser les routes reliant les chefs-lieux des provinces entre eux en vue de stimuler la libre circulation des personnes et des biens entre les provinces.

« Par exemple moderniser les routes nationales 1,2,3,4et 5 pour ne parler que de celles-ci. Travailler évidemment sur la sécurité pour que la libre circulation des personnes et des marchandises entre provinces soit fluide. Dans le cas contraire, l’adhésion au processus d’intégration continentale ne fera qu’accentuer la balkanisation de fait. Chaque pays voisin va annexer économiquement les provinces congolaises qui lui sont voisines. N’oublions pas que la ZLECAF éliminera les barrières tarifaires et non tarifaires. On les sait, les routes venant des pays voisins se limitent à nos frontières et il n’y a pas du tout des routes modernes et sécurisées à l’intérieur de la RDC »

Lire aussi: Grands-lacs : Commerce transfrontalier, la RDC un géant inutile

Dans ce contexte, s’embarquer dans l’intégration régionale continentale c’est ouvrir la voie à la balkanisation de fait. Bref travaillons préalablement sur l’intégration nationale et ce qui va avec tel les routes reliant les provinces et la sécurité en vue d’y favoriser d’abord et avant tout la libre circulation des personnes et des marchandises.

  • Travailler à la relance industrielle ou l’industrialisation de la RDC. Au début de l’indépendance la RDC était l’une des puissances industrielles du continent. Relancer l’industrie lourde, les grosses, petites et moyennes industries pour que nos industries soient compétitives sur le continent. 

Les immenses ressources naturelles dont regorge le pays s’y prêtent. Rendre effectif les diverses zones industrielles envisagées par le Ministre Julien Paluku, apporter l’appui à la relance des industries porteuses de croissance dans une politique de développement des chaînes de valeurs….par exemple l’industrie textile (qui ne serait pas fier de porter un pagne de utexafrica,ou de sotexki dont la matière première provient des agriculteurs producteurs de conton du grand Kivu ou du Katanga ou de la province orientale ?),  l’agro-industrie (qui ne serait pas fier de consommer à Bukavu l’huile raffinée produit dans l’équateur ou dans le bas Congo au lieu de la situation actuelle où l’huile nous vient de la Malaisie, de l’Égypte, de la Tanzanie), l’industrie métallurgique, l’industrie automobile, l’industrie chimique….  Au Congo on peut tout produire et exporter, y compris goudron pour macadamiser nos routes et celles du continent….

Vue d’une route nationale en delabrement

Bref concevoir et appliquer un plan d’industrialisation ou de relance industrielle de la RDC est un préalable nécessaire à l’intégration effective à la ZLECAF.

Quelle intégration sans climat des affaires attrayant ?

Bien évidemment, il faut aussi travailler sur l’amélioration du climat des affaires et la lutte contre la corruption en vue d’attirer les investisseurs.

Si dans l’état actuel de notre économie on ratifie la ZLECAF, les investisseurs préféreront s’installer dans les pays voisins pour y créer des industries et venir livrer les produits finis chez nous car le marché est tout ouvert. On sacrifie l’industrialisation du pays et les emplois pour les jeunes…

 Voyez un peu ce qui se passe avec les minerais, les industries minières sont implantées dans les pays voisins et le pillage des minerais brut exporté détruisent non seulement l’économie, mais aussi les vies humaines et l’environnement chez nous…

RDC: Assumer pleinement ses engagements dans les communautés économiques régionale

La RDC devrait assumer pleinement ses engagements au sein des organisations d’intégration sous régionale dont elle est membre à savoir SADC, COMESA, CEPGL et demain EAC. Ce n’est pas évident que notre pays est en règle avec ces organisations d’intervention économique. Avec la ratification de la ZLECAF et les engagements financiers qui vont avec, on tend à aggraver le surendettement du pays et écorner d’avantage son image déjà ternie sur le plan diplomatique dans le concert des organisations régionales. La RDC se presse pour ratifier mais ne respecte pas ses engagements entendons-nous souvent dire dans les cénacles diplomatiques.

Conclusion  

La ratification de la ZLECAF sera catastrophique pour l’économie et l’industrie congolaises. Sur le plan social il aggravera le chômage des jeunes. Sur le plan environnemental aussi le Congo sera l’exutoire de tous les déchets des produits étrangers qui y seront déversés sans infrastructures de traitement conséquent. D’accord avec cette ratification, mais des préalables nécessaires s’imposent. On devrait y travailler, notamment l’intégration nationale d’abord en construisant les routes modernes reliant les provinces et facilitant la libre circulation des personnes et des marchandises entre les provinces, la relance industrielle et l’appui à l’industrie congolaise afin qu’elle soit compétitive et capable de subsister au jeu de la concurrence continentale, l’amélioration du climat des affaires afin d’attirer les investisseurs, la paix et la sécurité, assumer d’abord pleinement ses engagements dans les organisations sous régionales dont le pays est membre…

Sans ces préalables la ratification de la ZLECAF sera une balle tirée dans le pied de de l’économie et de l’industrie congolaises. C’est un espoir de l’emploi des jeunes qui disparaît…. Les députés prendront-ils le risque d’un tel gâchis ? De grâce, dans l’intérêt de la nation, n’autorisez pas le chef de l’État à ratifier ce protocole créant la ZLECAF. Certes il est assailli par les pressions extérieures des capitalistes pour accélérer ce processus de la ZLECAF. Mais aidez-le à résister dans l’intérêt de la nation. Demandez plutôt au gouvernement de travailler sur les préalables…

Que les partenaires qui le pousse à ratifier l’aide d’abord à surmonter ces préalables…le peuple gagnera

Par Moïse Cifende Kaciko, Professeur de droit international aux universités Catholique et Officielle de Bukavu

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