jeudi, juillet 17, 2025
Olivier N et Thérèse K, respectivement ministres des affaires étrangères du Rwanda et de la RDC se serrent les mains après la signature de l'accord de paix du 27 juin 2025, à Washington. Photo crédit tiers.
Olivier N et Thérèse K, respectivement ministres des affaires étrangères du Rwanda et de la RDC se serrent les mains après la signature de l'accord de paix du 27 juin 2025, à Washington. Photo crédit tiers.
Consolidation de la paix

Accord de paix RDC–Rwanda : Socle pour une prochaine guerre ? (Edito)

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Le 27 juillet 2025, un accord de paix a été signé à Washington entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, sous la facilitation des États-Unis. Mais à y regarder de plus près, la RDC semble loin d’y avoir gagné, malgré la grande célébration faite à Kinshasa. Dit « accord de paix », cet accord ne parait pas une promesse de paix mais plutôt une base pour une prochaine guerre.

Une paix qui blanchit l’agresseur

L’accord dédouane le Rwanda de son soutien documenté et constant au M23, pourtant dénoncé dans plusieurs rapports des Nations Unies. En lieu et place d’une reconnaissance de cette agression, le texte recentre la responsabilité sur la RDC, accusée de soutenir les FDLR et appelée à les « neutraliser ».

L’impunité accordée au Rwanda est alarmante : ses troupes sur le territoire congolais ne sont pas mentionnées. Pire encore, l’accord reconnaît implicitement le « droit préventif » du Rwanda à intervenir hors de ses frontières, sous prétexte de menaces sécuritaires.

Dédoublement stratégique et dilution des responsabilités

Le vocabulaire employé (« engagement » au lieu de retrait, « mesures défensives » au lieu d’occupation militaire) permet au Rwanda de se désengager médiatiquement tout en maintenant une présence militaire indirecte à travers le M23/AFC, présenté comme une entité distincte. Une fiction politique qui affaiblit toute possibilité de mise en cause future.

L’accord prévoit de traiter la question du M23 à Doha au Qatar ; ce qui est une manière habile de dissocier les enjeux et de diluer les responsabilités.

Une menace réorientée vers les FDLR et les Wazalendo

L’accord stigmatise les FDLR, désignés comme la racine du conflit, tout en laissant entendre que leurs alliés, y compris les groupes d’autodéfense Congolais (Wazalendo), seraient également à neutraliser. Or, les Wazalendo représentent, malgré leurs limites, une réponse populaire à l’abandon sécuritaire.

Cette posture expose dangereusement les populations locales à d’éventuelles représailles et légitime d’avance les futures offensives contre les résistants congolais, en les amalgamant aux FDLR.

Pourtant, envisager un dialogue entre gouvernement rwandais et les FDLR serait une des voies rapides pour résoudre la question de menaces sécuritaires qu’évoque le Rwanda à maintes reprises.

Curieusement, dans une interview accordée à Jeune Afrique après la signature dudit accord, Olivier Nduhungirehe, ministre rwandais des affaires étrangères et coopération internationale, a déclaré que « les forces de FDLR ont été intégrées au sein des FARDC ». Il a soutenu que les FDLR ne sont pas dans les zones occupées par le M23 dans l’Est du pays pourtant, y cartographiés depuis la nuit des temps.

Une paix illusoire et une guerre programmée

En insistant sur une « neutralisation complète » des FDLR (notion floue et potentiellement interminable) l’accord fournit au Rwanda un prétexte renouvelable pour justifier sa présence en RDC. Tant qu’une menace supposée existera, l’agression pourra continuer sous couvert de sécurité régionale.

Pendant ce temps, les minerais congolais continueront de circuler hors de tout contrôle, enrichissant certains, appauvrissant les autres, sous couvert de « stabilisation ».

Alors que certains à Kinshasa évoquent une « grande victoire diplomatique », l’absence de consultation inclusive et la validation des éléments de narratif imposés par Kigali laissent plutôt penser à une capitulation en bonne et due forme. Ce qui, malheureusement, sème des germes d’un nouveau cycle de conflit.

Un outil qui blanchit le Rwanda devant la Cour Africaine ?

L’accord signé ne mentionne nulle part l’agression militaire rwandaise en RDC. Il évacue toute référence au M23, et ne parle ni de retrait, ni de réparation, ni de justice.

En revanche, il consacre le Rwanda comme partenaire de paix et désigne la RDC comme acteur à charge : neutraliser les FDLR, ses alliés, et ramener la paix, seule.

Mais ce silence sur l’agression, cette reconnaissance implicite de la « légitime défense » du Rwanda pourrait bien servir de ligne de défense pour Kigali devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme, où il est appelé à comparaître en septembre prochain pour ses crimes en RDC.

Le fait que l’accord omette toute mention claire de l’agression rwandaise en validant même une forme d’occupation comme étant « défensive », pourrait en effet affaiblir la position de la RDC dans l’affaire.

Cet accord pourrait être utilisé, dans une lecture défensive par Kigali, comme une reconnaissance implicite d’un statu quo diplomatique ou comme preuve que la RDC elle-même ne conteste plus explicitement l’intervention militaire du Rwanda. Ce qui, suggérerait une forme de renoncement ou de compromis à l’avantage du Rwanda.

Et si la RDC venait, sans le dire, de diluer sa propre cause judiciaire par un accord “technique” et politiquement naïf ?

Rédaction