mercredi, mars 26, 2025
Economie

AFC/M23 :  chute de Goma et Bukavu, quand le malheur des uns fait le bonheur des autres

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Depuis l’occupation des deux grandes villes de l’Est de la RDC, Bukavu et Goma, respectivement chef lieu du Sud-Kivu et du Nord-Kivu, la situation économique est morose. Des banques, institutions de micro finances et Coopératives d’Epargne et de Crédits sont fermées. Pas de retraits ni des dépôts. Des dépôts, magasins, boutiques, tout presque a été pillé si pas vandalisé. Si les nouveaux occupants de ces villes et leurs alliés se la coulent douce, les habitants sont les premières victimes. Entre temps, à Kinshasa, le problème de l’Est peut encore attendre.

Goma et Bukavu, des villes jumelles

Goma et Bukavu sont deux villes dépendantes en termes des activités d’échanges commerciaux, c’est depuis le 27 janvier 2025 que le mouvement AFC/M23 s’est emparé du chef-lieu de la province du Nord-Kivu deux semaine après celui du Sud-Kivu aussi, cette guerre a plongé la situation économique de deux provinces en état boiteux, faible circulation de la monnaie, prix galopant des biens et services et fermeture des banques, chacun profite de la situation de sa manière bien que d’autres peinent.

La guerre fait couler l’économie des deux provinces occupées par le mouvement AFC/M23, les effets de la guerre se propagent à grande échelle jusqu’à se faire sentir même dans l’assiette de la population, à Goma comme à Bukavu, tout tourne au ralenti. Etant au chômage forcé, tout le monde se plaint, commerçants, agent humanitaire et fonctionnaire publics chacun fait son deuil en silence. Les petits commerçants dépendant des échanges commerciaux entre les deux villes peinent sans secours.

« Depuis la prise de Bukavu par l’AFC/M23, nos activités commerciales ne marchent plus comme d’habitudes, la clientèle a baissé, le prix de la marchandise grimpe à la hausse suite à une augmentation des taxes portuaires, vu que notre marchandise provient de Goma, nous payions 1 à 1,5$ par colis au paravent, aujourd’hui ça se discute entre 5 et 10$ avec les nouvelles autorités » nous confie Nathalie une vendeuse de poissons salés au marché de Kadutu

Tout n’est pas noir !

Les producteurs et vendeurs des produits agricoles fêtent et se tapent un bénéfice dans un silence hypocrite accusant la guerre alors qu’ils jouissent dans la plus grande discrétion,

« Aujourd’hui on peut dire que nous respirons d’abord, on récolte et on achemine directement sur le marché. Aucune tracasserie comme au paravent, on était soumise à payer à chaque barrière érigée par l’armée ou les Wazalendo, une somme d’argent voire une partie de notre marchandise devrait être déposeé aux mains de ces gens, ceux qui impactait négativement le prix et le bénéfice. » lâche madame Aline Nsimire entrepreneure agricole

Les banques, aucun signe de vie !

Ceux-là qui dépendent des institutions bancaires ne savent plus comment exercer encore moins survivre car toutes les banques et coopératives d’épargnes et de crédits, ont suspendu leurs activités tout juste avant la chute de ses deux villes, pas de dépôt ni de retrait. Kinshasa coupe l’interrupteur et le mouvement AFC/M23 tire les oreilles des opérateurs bancaires pour ouvrir et promet une alternative face à cette mesure si Kinshasa n’autorise pas l’ouverture. Comment survivre ?

« En cette période c’est du calvaire, aucune banque n’est opérationnelle, ici à Goma quelques ATM servent mais en rupture à chaque instant, ceux qui ont accès à leurs comptes via mobile money se font braquer par les opérateurs téléphoniques par des commissions et pourcentages allant jusqu’à 10% de la somme à retirer. A la fin on ne se retrouve avec rien. » a déclaré Jordan Milaso habitant de Goma.

Entre patriotisme et adhésion, quid de la survie ?

Les enseignants ainsi que d’autres fonctionnaires publics ne savent plus à quel saint se vouer, au moment où Kinshasa ne dit mot et les autorités du mouvement AFC/M23, tout reste flou. Aucune précision sur le lendemain, s’il faut adhérer au mouvement AFC/M23 ou reste à l’écart, comment survivront-ils ? Un des fonctionnaires publics ayant préféré garder l’anonymat, il s’est confié à nous.

« Depuis la chute de notre ville, le gouvernement central n’a fait aucune communication sur notre sort, nous qui vivons sous le joug du mouvement AFC/M23, on ne sait pas si on est toujours en RDC ou ce n’est plus le cas. Moi je suis un agent public, je me demande si cette situation continuait quel sera mon sort, faudra-t-il adhérer à la rébellion pour la survie de nos familles ou comment, nous recevons nos salaires des institutions bancaires jusque-là elles n’ont pas encore ouvert. Je suis confus personnellement, je risque de craquer même. » regrette-t-il.

Entre temps, les importateurs se la coule douce !

Plus de commissionnaire de douane, il suffit de tenir langue avec les nouvelles autorités commises aux différentes postes frontaliers et tout s’arrange sans trop d’embrouille. En commençant par les divers, passant par les boissons, carburant et tous les reste, rien n’est plus agaçant pour les commerçants importateurs de Bukavu et Goma. Les négociateurs en payent le prix.

« Cette guerre nous a laissé sur tapis entant que commissionnaire. Désormais tout passe par les nouvelles autorités encore à vil prix, on est plus impliqué dans les opérations de dédouanement, le propriétaire de la marchandise discute directement avec les agents de douanes, nous sommes écartés, et les autorités du mouvement AFC/M23 ne veulent plus de nous à ce service » déclare Martin Katembo commissionnaire en douane

Quand le malheur des uns fait le bonheur des autres

« Il n’y a plus beaucoup de tracasserie à la douane avec la présence du mouvement AFC/M23 dans notre ville, certes c’est une rébellion mais au moins, elle nous allège la tâche, car nous on court derrière le bénéfice. Au paravent pour un conteneur on payait dans les 11 et 13 000$ mais aujourd’hui à seulement 5 000 ou 7 000$ vous concluez l’affaire et on vous accompagne jusqu’au lieu de déchargement. » a ajouté cet opérateur économique

A qui profite cette situation

Chacun fait sa fête et son deuil en silence, l’économie est en train de s’effondrer d’un côté et de l’autre côté fleurit, ce qui se fait rare localement se retrouve de l’autre côté des frontières facilement, les pays qui entourent les provinces en guerre se tapent les billets verts sans bruits. Pour la bière et d’autres produits de premières nécessités, les gens préfèrent traverser à cause du prix qui galope localement.

« Ici chez nous à Goma il y a carence de la bière et si on la trouve elle se vend dans le 8000 et 10 000 Francs congolais la bouteille parce que depuis la prise de Bukavu par l’AFC/M23 la Bralima a décidé de ne plus produire, alors nous traversons vers Gisenyi pour boire et à partir de 4000 fracs Rwandais équivalent au double de notre monnaie on peut avoir facilement 4 petites bouteilles appelées chez nous ‘petite ya quartier » nous a fait savoir Gentil Kafari jeune de Goma

Pour ceux-là qui veulent accéder à leur argent enfermé dans les banques, ils traversent la frontière se servant de leurs cartes bancaires et subissent la rigueur fiscale des voisins, outre les retenues bancaires normales pour les opérations de retrait, les filiales étrangères des banques commerciales prennent jusqu’à plus de 10% de frais de retenus ce qui ne facilite pas la plupart de gens.

« C’est désolant et frustrant, on ne sait pas quoi faire. » nous a dit un habitant de Goma avec désolation.

Que pensent les économistes ?

Contactant un analyste économique sur le sujet, il déclare ce qui suit ;

« Nous sommes dans un statuquo, tout est presque à l’arrêt, parce qu’aucune société ne peut évoluer sans qu’il y ait circulation des biens et services et l’élément essentiel dans la circulation des biens et services c’est l’argent et qui dit argent voit directement les institutions financières à l’occurrence les banques etc… nous sommes dans une situation où tout est fermé, aussi le peu de liquidité que les gens avaient avant la fermeture des banques s’évapore par ce qu’il faut acquérir les biens, lesquels biens viennent généralement du Rwanda et d’ailleurs, par là le Rwanda gagne tout ce que nous avions et on s’épuise. Nous risquons de finir par le troc si rien n’est fait dans un délai raisonnable. » a déclaré Hubert Masomeko

Rappelons que c’est depuis le dimanche 16 février que le mouvement AFC/M23 occupe la ville de Bukavu chef-lieu de la province du Sud-Kivu, une des provinces en haut de la liste des grands contributeurs à l’économie nationale.

Hervé AMANI

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