Exécution publique à Nyabiondo : Le M23 abat un jeune ligoté sous les regards d’enfants
Nord-Kivu, RDC —2 juillet 2025. Un jeune homme accusé de vol a été exécuté en pleine journée par un militaire du M23, dans la cité de Nyabiondo, territoire de Masisi. Ligoté, bras derrière le dos, l’homme a été abattu de deux balles dans la tête. La scène, capturée dans une vidéo amateur devenue virale, s’est déroulée devant une foule majoritairement composée d’enfants.
Dans cette démonstration de violence extrême et sans procédure judiciaire, le militaire du M23 a appliqué une peine de mort arbitraire. Une méthode qui, selon plusieurs défenseurs des droits humains, s’inscrit dans une pratique de plus en plus fréquente dans les zones occupées par ce groupe rebelle.
Une justice d’exécution dans les zones dites « libérées »
Depuis leur arrivée à Goma et Bukavu, en janvier et février 2025, les responsables du mouvement AFC/M23 ont clairement indiqué ne pas disposer de structures de détention. « Pas de cachots, pas de prisons », avaient-ils annoncé, insinuant l’application tacite de la peine de mort contre les auteurs présumés d’actes jugés inciviques.
Des ONG locales et internationales ont dénoncé cette stratégie comme une violation flagrante du droit international humanitaire, notamment de la Convention de Genève, qui interdit les exécutions extrajudiciaires et protège les droits des personnes en détention.
Masisi n’est pas un cas isolé
Le 10 juin dernier, dans la commune de Kadutu à Bukavu (Sud-Kivu), un autre civil a été tué dans des circonstances similaires. Agenouillé, mains en l’air, il a été abattu publiquement par un militaire du M23.
La victime était accusée d’avoir participé à une attaque à la grenade survenue lors du meeting du Bourgmestre M23 de la commune de Kadutu, tenu dans la matinée.
Selon les témoignages, la victime était extraite de son domicile, placé devant un public curieux, puis fusillé sur ordre du chef de l’avenue Buholo 5, sous la protection de militaires du M23, qui occupent la ville de Bukavu depuis le 16 février dernier.
Les images choquantes diffusées en ligne montrent ce chef d’avenue déclarer en Kiswahili : « Angusha ule ! » (« Descends-le ! »), une injonction devenue tristement célèbre et utilisée aujourd’hui comme mot-clé pour désigner les exécutions sommaires dans les zones occupées par l’AFC/M23.
Crimes documentés… et d’autres hors caméras
Les scènes filmées ne montrent qu’une partie de la réalité. D’ailleurs, elles sont enregistrées fortuitement. Selon des témoignages recueillis, de nombreuses exécutions sont commises loin des caméras, et des assassinats ciblés se multiplient dans les zones dites « libérées » par l’AFC/M23. L’impunité y règne et les jeunes civils demeurent les principales victimes d’une guerre sans justice ni protection.
L’ONG Human Rights Watch révèle que le 22 et le 23 février 2025, « le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a exécuté sommairement au moins 21 civils et vraisemblablement un nombre beaucoup plus élevé à Goma ».
Des actes qui, selon les standards du droit international humanitaire, pourraient être qualifiés de crimes de guerre, en vertu du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale.
Des chiffres officiels qui interpellent
Selon un rapport du ministère de l’Intérieur, publié le 18 juin 2025, les territoires occupés par le M23 ont été le théâtre de violations massives entre le 9 mai et le 16 juin. Le document révèle un bilan glaçant :
289 exécutions sommaires de civils ; 102 cas de viols ; 270 actes de torture ; des centaines de disparitions forcées; des recrutements d’enfants-soldats; d’arrestations arbitraires et des pillages systématiques de villages.
Le gouverneur du Sud-Kivu, Jean-Jacques Purusi, s’est dit « profondément horrifié » par ce qu’il qualifie d’« actes odieux et barbares commis en toute impunité ».
Face à ce tableau accablant, plusieurs organisations de la société civile plaident pour l’ouverture d’enquêtes indépendantes. Une militante locale, témoin des exactions, confie :
« Nous assistons à un effondrement total du droit dans les zones occupées. Ces chiffres ne doivent pas rester lettre morte ».
Où sont l’État et la communauté internationale
Alors que le gouvernement congolais intensifie sa lutte contre le M23 sur les fronts diplomatique et militaire, des voix s’élèvent pour réclamer une documentation rigoureuse des crimes commis, et une réponse urgente des instances judiciaires nationales et internationales.
« Je dénonce le silence complice de ceux qui ont le pouvoir d’arrêter cette guerre et de nous protéger. Chaque vie fauchée sous les balles appelle une justice que les populations attendent avec désespoir », s’exprime un militant des droits humains à Bukavu.
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Par Ahana Bryan