jeudi, juin 19, 2025
Insécurité

SUD-KIVU : Les usagers de la route Bukavu-Bunyakiri rançonnés par des Wazalendo 

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Sans sang-froid, il est déconseillé d’emprunter le tronçon Bukavu-Bunyakiri sur la route nationale numéro 3. Les usagers sur ce tronçon traversent un calvaire sans précédent dans le Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB), en province du Sud-Kivu, dans l’Est de la RDC. Et bien entendu, le sang-froid ne suffit pas; il faut également posséder des sous en poche pour espérer traverser la multitude des barrières et en sortir vivant. 

Sur la nationale n°3, le tronçon Station de Tshivanga – Bunyakiri connait plus de 20 barrières. Elles sont érigées par des combattants Wazalendo qui exigent des sommes d’argent aux usagers sans distinction (humanitaires, commerçants, simples voyageurs,…).

Un acteur de la société civile locale qui a requis l’anonymat s’est confiée à notre rédaction début juin 2025. Il déplore l’existence de ces barrières illégales érigées à chaque virage presque. Pour traverser, il faut payer selon les humeurs des « chefs ». La « taxe » individuelle varie entre 5000 et 20 000 francs congolais à chacune des barrières. Une fortune constituée sans loi ni règlementation.  Du calvaire.

« C’est vraiment déplorable ce qui se déroule dans le PNKB et dans la partie Bunyakiri où les Patriotes Wazalendo font la loi. Lorsque vous prenez une moto en provenance de Bunyakiri pour Bukavu, vous devez prévoir au minimum 150 000 FC à affecter au paiement des barrières. Ces actes ne sont commis que du côté des combattants Wazalendo. Nous dénonçons ces actes cruels qui sont orchestrés par nos propres frères qui ne tiennent pas compte de la situation du moment », dénonce-t-il.

Bienvenue dans la « vallée de la mort »

Ici, le prix n’est pas à discuter. C’est à prendre ou à laisser. En cas d’impossibilité de payement, le passager est retenu à cette barrière où il doit subir un châtiment, que mort s’en suive ou pas.

Extrêmement délabrée depuis plus de deux décennies, la route est un parcours des combattants et réservé aux motocyclistes aguerris. Les véhicules l’empruntent difficilement.

Cet acteur de la société civile pense que ce comportement vient ternir l’image des actions patriotiques réalisées par les vrais Wazalendo, qui devraient avoir pitié de leurs frères.

Il dénonce des cas de tueries et d’assassinats ciblés commis par certains Wazalendo qui font la loi dans cette jungle où ça crépite à tout bout de champ.

Les vrais et les faux Wazalendo

Quoiqu’une majeure partie du territoire de Kalehe est, depuis décembre 2025, sous occupation des rebelles du M23 appuyés l’armée Rwandaise, la zone Bunyakiri et la nationale n°3 traversant le PNKB sont contrôlées par les militaires FARDC coalisés aux Wazalendo (« patriotes nationalistes », en français).

Pour la sécurité des passagers, les barrières sécuritaires ont, depuis plus de 10 ans, été placées sur cette route où il ne se passe plus une semaine sans pillage, kidnapping et autres. En cette période d’agression, les tracasseries se sont multipliées sur cette route, constituant des actes d’atrocités de plus envers la population déjà appauvrie par la guerre et les taxes exorbitantes déjà instaurées par la rébellion du M23 dans les zones qu’elle occupe.

Notre source lance un cri d’alarme au nom de la population en général et demande la cessation immédiate de ces atrocités commises par ceux qui sont censés les limiter. Il appelle les militaires FARDC et les « vrais Wazalendo » a s’impliquer pour limiter les dégâts des Wazalendo qui s’adonnent à rançonner et à torturer les paisibles citoyens sur la nationale n°3.

Tout le monde réduit au silence 

Au tant il n’y a personne pour dénoncer les violations quotidiennement commises par les rebelles du M23 dans les zones qu’ils occupent dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, autant personne ne se lève pour décrier les tracasseries et violations perpétrées par les « faux » Wazalendo dans leurs jungles.

« L’illégalité se normalise, et personne n’ose hausser le ton pour dénoncer sous peine de payer de sa vie », regrette-t-il.

Notre source note de fortes tensions entre les militaires loyalistes (FARDC) et les Wazalendo dans plusieurs cités de Bunyakiri où le conflit de leadership persiste. Une opposition notable entre des groupes qui combattent pour la même cause et qui crée de l’anarchie. Cette anarchie conduit certains Wazalendo à s’imposer pour régner en Maîtres absolus sur ces entités où la population paye le lourd tribut.

Quoique témoin de sa propre souffrance, la population n’arrive pas à dénoncer ce qu’elle traverse. Elle tente plutôt de s’y accommoder dans la peur et l’incertitude, dans l’espoir que le lendemain sera meilleur quand ceux qui détiennent le devoir de protection joueront correctement leur rôle.

Rédaction