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RDC : 10 Milliards de dollars comme prévision budgétaire du gouvernement pour l’exercice 2022 (lire l’analyse du professeur Mutabazi Ngaboyeka)

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Le premier ministre Sama Lukonde a présenté et défendu le projet de loi budgétaire pour l’exercice 2022 devant l’assemblée nationale le 15 novembre 2021. Nombreux analystes pensent que ce budget ne tient pas compte de certaines réalités en termes d’affectation des ressources.

Le 15 novembre 2021, le premier ministre de la République Démocratique du Congo a présenté le projet de loi pour l’exercice 2022 à l’assemblée nationale.

Cependant, certains experts en économie estiment que cette prévision n’est pas réaliste en termes d’affectation des ressources monétaires au niveau des secteurs poumons de la nation. A titre illustratif, sur le 100% du budget national, les institutions en général (le parlement, gouvernement et la présidence) se sont arrogées la part du lion à hauteur de 38%, les ministères des finances et du budget avec 11% au moment où la défense et sécurité n’ont que 3% et l’agriculture, pêche et élevage moins de 2%. Plus d’un analyste s’interroge sur cette disproportionnalité qui met en mal les autres secteurs de la vie nationale, avec comme conséquence le déséquilibre social accentué.

Dans un entretien avec deboutrdc.net, le professeur Mutabazi Ngaboyeka se dit étonné de la manière dont le gouvernement national fait le partage des ressources monétaires dans différentes administrations pour cette prévision budgétaire. Pour lui, le gouvernement semble ne pas attacher trop d’importance à certains secteurs alors que ces derniers sont le cœur  de la nation. Il pense néanmoins que ce n’est pas mauvais d’accroitre le budget de 40% mais le comble c’est que suive les réalisations visibles par les citoyens moyens.

Deboutrdc.net : Bonjour professeur Mutabazi Ngaboyeka !

Professeur Mutabazi Ngaboyeka : Bonjour madame la journaliste.

Deboutrdc.net : Professeur, le premier ministre Sama Lukonde a présenté et défendu devant l’assemblée nationale la prévision budgétaire pour l’exercice 2022. Malheureusement, certains députés fustigent le fait que certains ministères se taillent la part du lion au détriment de certains secteurs poumons de la nation, comme c’est le cas des ministères des finances et du budget qui ont à eux seuls 11% du budget national alors que l’armée recevra 3% et l’agriculture moins de 2%. Toutefois, l’on note une petite amélioration de l’enveloppe allouée à l’éducation avec environs 13%. En tant qu’analyste économique quelle lecture faites-vous de cette prévision budgétaire ?

Professeur Mutabazi Ngaboyeka : Oui, tout à fait Madame. Nous avons appris la présentation devant l’assemblée nationale de la prévision budgétaire pour l’exercice 2022 bien que nous n’avons pas encore les détails des lignes budgétaires. Moi j’ai suivi que le budget en recettes et en dépenses a été prévu pour 10 milliards de dollars au départ de 6 et 7 milliards en 2021 donc l’accroissement de presque 40%. Il faut d’abord s’assurer de comment on va y arriver en bouchant les trous ainsi qu’identifier toutes les fuites d’argent et voir si cet argent sera mobilisé. Il ne sera mobilisé que si effectivement on mobilise les recettes des régies financières comme celles de la DGDA, DGI, DGRAD. Cela suppose que le court des métaux précieux parce que  nous sommes tributaires du marché mondial, que l’année 2022 puisse connaître une même croissance économique spécialement liée aux exportations des minerais comme le cuivre le cobalt et autres ensuite miser sur le fait que l’on aura toutes les promesses de la banque mondiale et du fond monétaire international qui vont à leur tour commencer à produire les effets. Du côté des dépenses c’est là que le problème réside et plusieurs analystes s’interrogent sur le partage qui semble disproportionnel. Si c’est pour augmenter le train du gouvernement et malheureusement de certains ministères ce serait dommage que la population puisse consentir des efforts pour que l’administration en profite. Je pense qu’à ces ministères de finance et budget il faut aussi ajouter la présidence. Peut-être que les députés ont peur de le dire ouvertement, il y a aussi la présidence qui a presque triplé son budget en rapport avec les dépenses depuis l’année passée, et donc là aussi il y a à voir.

Le sacrifice doit être consenti pour augmenter le budget de l’armée car on a un problème sécuritaire très grave. Pour ce budget, il faut prendre en compte l’armée en première position puis l’éducation bien que le président de la république a annoncé la gratuité avec toutes les difficultés pour la rendre effective ne fut-ce qu’au niveau du primaire, c’est l’occasion s’il veut vraiment rester président en 2023.

Aussitôt présenté, certains députés ont estimé qu’il va falloir qu’on réduise le train de vie de certaines institutions. C’est le cas par exemple du premier vice-président de l’assemblée nationale, le député Jean Marc Kabund de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) qui a suggéré que les émoluments des députés et les salaires d’autres membres du gouvernement soient divisés par deux pour que cet argent qui sera prélevé soit affecté à l’éducation, l’agriculture, l’armée, etc. Pensez-vous que cela serait une bonne proposition pour favoriser l’équilibre social au pays ?

Ce n’est pas évidemment facile qu’un premier ministre ou un député se permette de diviser son salaire par deux bien qu’il n’a pas peu. Vous verrez que ceux qui votent le budget ce sont les mêmes députés. Tant mieux si ça vient de ces députés, s’ils vont enfin accepter de vivre de la moitié de leurs salaires et ne pas exiger des accroissements. Ce serait déjà un bel exemple si les députés réduisent le budget du parlement de 10 ou 20% et qu’ils obligent le gouvernement et la présidence à faire de même vu que ce sont là les trois grosses institutions (le gouvernement, le parlement et le président de la république) qui donnent des mauvais exemples avec trop de missions et trop de primes. Nous attendons voir comment ils vont arriver à demander au gouvernement de réduire le train de vie des institutions.

C’est tous les jours qu’à chaque proposition de budget que le Congo peine à proposer un budget digne et grand. Selon vous, qu’est-ce qui bloque la RDC à proposer un grand budget comme c’est le cas dans d’autres pays qui ont parfois de centaines des milliards des dollars ?

En termes des recettes nous fustigeons la faible capacité de mobilisation des ressources financières par l’administration parce que ceux qui font entrer cet argent voté ce sont les services d’assiettes. Malheureusement ces services ne sont pas sanctionnés et leurs agents ne sont pas motivés à travailler. Avec l’Inspection Générale des Finances (IGF), on voit d’abord un sursaut d’orgueil mais on n’est pas encore arrivé au bout. C’est ce qui pousse le gouvernement à espérer que l’on peut réaliser 10 milliard avec la même base économique. Dommage que la production n’a pas augmenté c’est la même base économique. Si l’on ne produit pas assez c’est justement parce que l’infrastructure de production n’est pas au rendez-vous. Beaucoup d’entreprises publiques sont tombées en faillite et l’arrêt de la production de ces entreprises a un impact considérable sur la réalisation de ce budget. Cependant la conséquence est que l’on va miser sur les recettes intérieures qui malheureusement sont faibles et difficiles à réaliser. On se penche aussi vers l’aide internationale et les emprunts. Or les emprunts et les aides sont conditionnés par la gouvernance générale avec tout ce qui s’est passé il y a 4 ou 5 ans où le Congo avait du mal à obtenir un milliard de l’extérieur. On estime que ce budget pour une fois sera réalisé même si le commun des mortels critique les multiples voyages du président de la République Felix Tshisekedi Tshilombo à cause des dépenses qu’ils occasionnent par ses différentes sorties sans résultats visibles.

Quelles recommandations pour que suivent la réalisation à la prévision budgétaire qui sera arrêtée ?

Pour que suivent des réalisations à cette prévision budgétaire pour l’exercice 2022, il faut que les administrations puissent bosser dur pour faire entrer les recettes. Il faut que ce 10 milliard attendu entre dans la caisse de l’Etat et pas dans les poches trouées. Ce qui suppose une gouvernance au sommet et un contrôle pointu des services générateurs des recettes. Et ensuite une bonne traçabilité dans l’affectation de ces dépenses parce que l’on peut bien sortir mais en minimisant les couts. Il faut voir l’implication de l’administration, sa productivité pour faire en sorte que l’augmentation du budget de plus de 41% puisse être vue par les citoyens dans leurs casseroles. Autrement ce serait le slogan « augmentation du budget de plus de 41%, mais concrètement le social, la santé, l’éducation, la sécurité demeurent inaccessibles par les citoyens moyens ».

Deboutrdc.net : Nous vous remercions pour cet entretien professeur.

Professeur Mutabazi Ngaboyeka : C’est moi qui vous remercie madame.

Hortense Zabona.

 

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