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SUD-KIVU : « Quand ils m’ont tous abandonnée, la rue m’a accueillie », le cri de détresse d’une fillette désormais « enfant des rues »

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Dans certaines avenues de la Ville de Bukavu, capitale du Sud-Kivu, il est constaté la présence des petits enfants qui y sillonnent. De Labotte (siège des institutions provinciales) à la frontière Ruzizi I en passant par Nyawera, ses enfants sont visibles. Dits « de la rue », ces enfants ont en moyenne  moins de 18 ans. Une situation qui inquiète les organisations de la société civile du Sud-Kivu.

Ils ont divorcé. Moi j’ai décidé de partir

Eric Mulindwa, âgé d’environ 12 ans, est l’un de ces enfants. Venu de la ville de Goma en province du Nord-Kivu, Eric a fui le toit familial car ses parents ont divorcé.

« Je viens de la ville de Goma, ma famille restreinte reste  là-bas. Je suis arrivé ici par bateau grâce à un monsieur qui m’a fait un papier écrit pour voyager. Je passe mes nuits dans la rue ; je n’étudie pas par manque de moyens mais j’aimerais aller à école », souhaite Eric.

Ils m’ont tous abandonnée, la rue m’a accueillie

Si Eric a fui le toit familial suite aux accrochages fréquents entre ses parents et leur divorce, d’autres enfants ont fui car accusés de sorcellerie dans leur famille. Aline Mateso, fillette de 11 ans, a été accusée de sorcière. Sa maman est décédée en 2021. Son papa a remarié une autre femme. Accusée de sorcellerie, Aline a été chassée du toit familial.

 « En 2021, ma mère est décédée. Un an plus tard, mon père s’est remarié avec une autre femme. Dès lors, il a commencé à dire que je voulais empoisonner ma marâtre. Comme l’accusation fut confirmée par le cousin de mon père, celui-ci décida de me chasser », raconte Aline Mateso.

Désespérée, elle a sollicité de l’aider envers ses proches mais n’a rien reçu; pas même un toit.

« Tous les membres de ma famille ont refusé de m’aider. Ma marâtre les avait déjà convaincus  que j’étais une sorcière » fait-elle savoir.

Des fillettes « mayibobo » dans les rues de Bukavu

Les récits de ses deux enfants illustrent le calvaire que beaucoup d’autres vivent dans les rues de la ville de Bukavu. Pour survivre, certains sont obligés de voler ou d’autres de porter des petits fardeaux. Certaines filles qui vivent dans la rue finissent aussi par se prostituer pour avoir de quoi de manger.

Certains habitants rencontrés regrettent que certaines de ces filles mettent au monde des enfants sans pères et qui restent avec leurs mères dans ces endroits où des pratiques sexuelles se font en plein air et sans protection. Des endroits devenus des lieux par excellence de consommation des drogues et autres boissons prohibées.

« Cequi est plus inquiétant c’est surtout le nombre croissant des jeunes filles qu’on commence à rencontrer dans nos rues aujourd’hui. Certaines parmi elles sont enceintes et d’autres ont des enfants déjà »,

avait déjà alerté Colette Salima, Coordonnatrice de l’organisation Congo Hope Initiative qui indique également avoir tenu à échanger avec différents acteurs pour réflechir sur des probables solutions et trouver comment  faire sortir  ces enfants de larue car il s’agit d’une « question inquiétante ».

Le centre Don Bosco à la rescousse

Chaque année, l’Ecole des Métiers « Tuwe Wafundi » du Centre Don Bosco de Bukavu accueille une bonne centaine de jeunes de 17 à 22 ans qui fréquentent la rue et leur propose une formation professionnelle totalement gratuite pendant 13 mois, à travers des cours de menuiserie, de mécanique automobile, de montage-soudure et de maçonnerie.

Photo tiersRemise des brevets aux enfants de la rue formés par le centre Don Bosco
Remise des brevets aux enfants de la rue formés par le centre Don Bosco. Photo crédit tiers.

Il y a un an et demi, plus de 150 jeunes ont été accueillis -parmi les quelque 5-6 mille qui sont estimés vivre dans la rue à Bukavu, dont un millier de filles.

C’était des garçons et des filles en situation de rue, avec une école interrompue et peu d’espoir pour l’avenir. En fréquentant le Centre Don Bosco, ces jeunes ont suivi deux mois d’alphabétisation ou de rattrapage, huit mois de formation pratique dans un métier, puis trois mois de stage chez des artisans, sur un chantier, dans un atelier ou dans une petite entreprise.

En mars dernier, 116 ont terminé le cours et ont reçu des certificats professionnels.

Des enfants « des rues » ou du gouvernement congolais ?

Le gouvernement croise toujours les bras! Les services techniques de l’Etat sont à court de moyens depuis longtemps. Dans une situation de débordement, la division provinciale des affaires sociales se sent « impuissante » et ne peut offrir  que selon qu’elle le peut.

Luc Lukwangomo, chef de bureau dans cette division, fait savoir à quel niveau son service s’implique dans l’insertion des enfants des rues dans différentes communautés.

« Nous avons commencé à sensibiliser ces enfants depuis janvier 2023. Pour récupérer ces enfants en situation des rues, on passe dans divers coins. On les sensibilise et puis nous les plaçons dans des centres de transit et d’orientation.

La division provinciale des affaires sociales travaillent avec certains centres d’accompagnement de ces enfants.

Bureau de la Division Provinciale des affaires Sociales. Enregistrement d'un enfant dit de la rue
Bureau de la Division Provinciale des affaires Sociales. Enregistrement d’un enfant dit de la rue.

Les quelques activités que fait la division des affaires sociales ne suffisent pas pour aider ces enfants. Luc Lukwangomo veut voir le gouvernement centrale allouer un budget suffisant à sa division pour appuyer ces enfants. Sans les Organisations de protection de l’enfant, la division serait débordée.

« Ce sont des ONG qui nous aide. Malheureusement l’Etat congolais ne nous aide pas. Pour la prise en charges des enfants en situation des rues nous avons plusieurs difficultés, de fois nous sommes obligées de toucher dans nos poches pour subvenir à certains de leur besoins. Nous demandons aux gouvernement de nous subventionner » a-t-il dit.

Selon la constitution de la République Démocratique du Congo en son article 41, les pouvoirs publics ont l’obligation d’assurer la protection des enfants en situation difficiles. Curieusement, dans la ville de Bukavu comme dans la plus part des villes congolaises, nombreux enfants se retrouvent sans domicile et sans aucune aide de la part du gouvernement.

Par Rachel Amani

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